Une histoire géologique locale tumultueuse
L’UNESCO Géoparc de Haute-Provence s’étend dans les Alpes du Sud du lac de Sainte-Croix sur le Verdon à celui de Serre-Ponçon sur la Durance. Il ne manque que 40 mètres à la Tête de l’Estrop pour entrer dans le club des « 3000 » et pourtant ce pays a été pendant des centaines de millions d’années sous la mer. C’est la collision de la plaque africaine avec l’européenne qui a donné naissance à la chaîne des Alpes où nous nous trouvons aujourd’hui.
L’extraordinaire histoire du Géoparc de Haute-Provence commence il y a 300 millions d’années avec des forêts tropicales de fougères arborescentes.
Plusieurs épisodes vont se succéder :
Les lagunes du Trias sous un climat aride ;
Les mers du Jurassique et du Crétacé qui s’approfondissent progressivement dans des environnements très variés et foisonnent de vie avec des ammonites des bélemnites, des ichthyosaures, des poissons. Il s’y dépose une grande partie des sédiments qui ont donné les roches de nos montagnes. Les bassins se comblent progressivement.
L’Ère tertiaire (ou Cénozoïque) est la période où les montagnes alpines se forment. La mer occupe différents domaines avant de se retirer définitivement, les sédiments qui s’y déposent sont assez différents des précédents. Il s’en dépose aussi dans des lacs ou des rivières qui ont une place importante dans le paysage.
Au Quaternaire, le Géoparc de Haute-Provence est émergé et les glaciers descendent des Alpes dans nos vallées. Depuis leur retrait il y a 15.000 ans l’Homme façonne et modifie ce territoire.
Le Carbonifère, un clin d’œil à l’Ère primaire
Les terrains du Carbonifère se sont déposés il y a environ 300 millions d’années à une époque où notre région était couverte de forêts de fougères arborescentes, de prêles géantes et des ancêtres des conifères actuels. Ils vivaient sous un climat chaud et humide de type équatorial.
L’analyse des roches montre un environnement marécageux de plaine d’inondation. Rapidement et régulièrement enfouis dans les sédiments, les débris végétaux sont à l’origine de la formation de couches de charbon.
Nulle trace par contre de dépôts de la période suivante, le Permien (-298,-252ma), qui termine l’Ère primaire. Il est vraisemblable que notre région formait alors un relief (au sein de la chaîne de montagne hercynienne) soumis à l’érosion où il n’y avait pas de dépôts (un peu comme aujourd’hui).
Outre la plus grande extinction massive au sein du monde vivant, la fin de l’Ère primaire est aussi marquée par des changements climatiques et l’érosion de la chaîne des montagnes hercyniennes.
Le Trias ; à l’heure du gypse
Au Trias, le super-continent unique appelé Pangée se fragmente progressivement en deux ensembles séparés par un espace marin : l’océan Téthys s’installe entre la Laurasia au nord et le Gondwana au sud. Notre région se trouve sur la marge méridionale de la Laurasia.
Les terrains du Trias inférieur sont plutôt rares dans notre territoire, ce sont surtout les quartzites de la Clue de Verdaches qui représentent d’anciens sables et graviers de quartz charriés par des rivières.
Par la suite, les roches les plus abondantes et les plus spectaculaires sont des argilites de couleurs vives et bariolées qui sont souvent associées à d’importants dépôts de gypse.
Le gypse s’est déposé dans un environnement de lagunes sous un climat chaud et aride, c’est une évaporite comme le sel et l’anhydrite qui l’accompagnent souvent.
Le gypse joue un rôle important dans la structuration de la chaîne des Alpes en facilitant les mouvements des grands panneaux de roches grâce à sa grande plasticité. On l’appelle couche- savon.
Le gypse est aussi une matière première traditionnelle qui a concouru à l’originalité du bâti ancien. Chaque village qui le pouvait cuisait autrefois son plâtre pour les besoins locaux.
Le Jurassique inférieur (Lias) les débuts de la mer
Au Lias, l’espace marin s’approfondit et s’agrandit par le jeu de l’expansion océanique ; notre région est franchement sous les eaux. La topographie sous-marine est accidentée par le jeu de failles qui décalent de grands panneaux de l’écorce terrestre. Les sédiments qui se déposent alors sont modulés par cette topographie. Ils sont devenus des calcaires, des marnes ou des marno-calcaires en fonction de la profondeur, de l’agitation et de la distance au rivage.
Sur notre territoire il y a de grandes différences entre le sud d’affinités provençales où les dépôts sont plus littoraux et moins épais et le nord d’affinités dauphinoises où les dépôts sont plus pélagiques (tournés vers le large) et plus épais.
La mer regorge de vie et les fossiles sont abondants. C’est de cette période que datent quelques uns des sites les plus emblématiques du Géoparc : la dalle aux ammonites, l’ichthyosaure de La Robine, les tourniquets d’Astoin,…
Le Jurassique moyen et supérieur (Dogger et Malm)
Au Lias, l’espace marin s’approfondit et s’agrandit par le jeu de l’expansion océanique ; notre région est franchement sous les eaux. Au Jurassique moyen et supérieur, la mer est toujours bien présente et s’élargit encore. Elle connaît des variations dans sa profondeur, dues à des fluctuations à l’échelle globale. Les roches issues des sédiments déposés à ce moment-là sont bien caractéristiques dans le paysage. Au-dessus de la corniche formée par les alternances marno-calcaires du Bajocien -Bathonien s’étendent les imposantes Terres Noires, connues pour leurs paysages lunaires. Elles sont surmontées par les falaises du calcaire tithonien qui clôture le Jurassique et déborde un peu dans le Crétacé.
Cet épais ensemble calcaire est un élément repère facilement identifiable. Il arme une grande partie des reliefs : barre des Dourbes, montagne de Gache, crête de Reynier… Il constitue la majorité des clues (ou gorges) que l’on trouve dans le Géoparc : Clues de Barles , Clues de Chabrières, Clue de bayons ou de Sisteron
Le Crétacé
La mer recouvre toujours le territoire du futur Géoparc. Elle dépose dans un premier temps des marnes et des calcaires (au Barrémien par exemple) avec de belles faunes d’ammonites.
Viennent ensuite d’épaisses couches de marnes noires comme celles qui ont livré l’ichthyosaure de Chanolles.
Pendant la dernière partie de cette période, de très épaisses couches de calcaire clair se déposent témoignant d’une diminution de la profondeur de la mer.
Le Crétacé est aussi la période où commence la formation des Alpes. Vers 80 millions d’années, le mouvement des plaques tectoniques change, l’ouverture et l’élargissement de l’Atlantique pousse l’Afrique vers le nord-est ce qui conduira à la formation de la chaîne des Alpes et à celles qui bordent la Méditerranée.
Les premiers plissements allongés est-ouest se manifestent : chaînons du Luberon, de Lure, …. Les premières terres émergées subissent l’érosion de climats chauds.
L’Ère tertiaire
Au début du Tertiaire, tout le Géoparc est émergé car les mouvements entamés au Crétacé se sont poursuivis. Les couches déposées pendant l’Ère secondaire ont été déformées, plissées, se sont empilées les unes sur les autres et ont surgi des eaux. Elles sont déjà soumises à l’érosion.
A l’Éocène la bordure nord-est du Géoparc voit la mer revenir. Des calcaires, des marnes et des grès se déposent. Ces grès sont très abondants à l’est du Géoparc, à Annot mais ils couronnent aussi le massif de l’Estrop. Le reste du territoire accueille quelques formations continentales.
A l’Oligocène ensuite, la collision de l’Afrique et de l’Europe s’accentue dans un mouvement de rotation qui conjugue des effets de compressions et d’extensions.
Dans notre région, des dépôts appelés « molasse rouge » accumulent les graviers, sables et argiles apportés par les cours d’eau qui descendent des jeunes reliefs alpins soumis à l’érosion du climat tropical.
Au Miocène, la formation des Alpes se poursuit et connaît son paroxysme. La chaîne est ceinturée par un bras de mer peu profond qui court des rivages de la Méditerranée actuelle jusqu’en Autriche. Chez nous, on observe un empilement de plages fossiles sur des centaines de mètres d’épaisseur. On y trouve des fossiles divers, des empreintes d’oiseau et même le rythme des marées reconstituées.
La fin du Tertiaire et le Quaternaire
Dans la deuxième partie du Miocène puis au Pliocène et au Quaternaire, les mouvements des plaques tectoniques qui ont édifiés les Alpes changent et entraînent la formation de la Méditerranée. C’est vers elle que se dirigent maintenant les cours d’eau qui drainent le Géoparc.
Son évolution influence l’érosion et la sédimentation dans tout le territoire. Lorsque vers -5 millions d’années, elle s’assèche toutes les rivières se mettent à creuser des gorges étroites et profondes pour rattraper le niveau. Lorsqu’elle se remplit à nouveau, la sédimentation comble ces canyons.
Deux traits majeurs du paysage actuel prennent forme à ce moment. D’une part la faille qui court depuis des dizaines de millions d’année sous la vallée de la Durance actuelle entre le pont de Mirabeau et Sisteron délimite le bord occidental d’une cuvette qui accueille les produits de l’érosion charriés par la Durance, la Bléone, l’Asse… C’est ce que l’on appelle le bassin de Valensole avec ses millions de galets et dont la surface correspond au comblement de ce bassin.
D’autre part une épaisse tranche de terrains (près de 2000 m d’épaisseur) se met en mouvement du nord vers le sud, guidée par de grandes failles de la même famille que celle de la Durance et grâce à la présence à sa base du gypse, roche tendre, soluble qui joue le rôle de couche savon. C’est la nappe de Digne qui constitue l’ensemble des reliefs qui entourent la ville et une grande partie des reliefs du Géoparc.
Enfin, les glaciers viendront marquer le territoire de leur empreinte, spécialement celui de la Durance et celui de l’Ubaye qui débordent par le nord sur notre Géoparc. On leur doit le modelage du bassin de Seyne par exemple et l’abandon de moraines et de tourbières résiduelles après leur départ. Plus au sud, leur influence sur le niveau marin se traduit par les différentes étapes de creusement des vallées et les terrasses de galets qui les soulignent.
Dans le pays des « rochers qui parlent » (rochers qui diffusent des contes en anglais et français) cette route propose la découverte de paysages exceptionnels, de monuments et des activités humaines intimement liées à cette terre. Autant de pauses récréatives où le temps suspend son vol.
Cette route permet d’explorer la partie nord de l’UNESCO Géoparc à travers le cœur de son territoire de l’exceptionnelle vallée du Bès à la rencontre des œuvres d’art que des artistes contemporains de renom ont laissées dans ces paysages qui content la Mémoire de la Terre depuis 300 millions d’années.
Dans le sud de l’UNESCO Géoparc, le sol est fait de galets provenant d’un vaste ensemble deltaïque actif il y a plus de 2 millions d’années. Cette route conduit vers l’un des plus beaux villages de France en passant par les oliveraies et les champs de lavande.
C’est la route la plus « sportive » de l’UNESCO Géoparc qui abouti au fond de la vallée de Prads. Pour ceux qui aiment marcher en moyenne montagne, de nombreuses courtes balades sont possibles (max 3h 30) pour accéder à des sites peu connus mais porteurs de la magie de ce territoire.
Cette route invite à un voyage dans le temps ; le temps de l’Homme et le temps de la Terre. Des sites secrets, étranges voire mystérieux ponctuent son itinéraire et font de cette route un véritable « parcours initiatique » au cœur de paysages somptueux.