De l’inventaire de sites géologiques à la création d’une réserve
Retour en 1978. La ville de Digne souhaite relancer et diversifier son activité touristique. Elle propose une bourse d’étude à l’Université de Provence à Marseille pour faire l’inventaire des richesses géologiques de son territoire. Guy Martini, Nadine Gomez (anciennement conservatrice du musée Gassendi) et d’autres étudiants participent à cinq chantiers de fouilles de sites fossilifères. Très vite, ils constatent le mauvais état des sites qui sont menacés de dégradations et de pillages.
De cette prise de conscience est née la volonté de mettre en place une structure de protection. C’est ainsi qu’a été créée par décret, en 1984, la Réserve naturelle nationale géologique de Haute-Provence. D’une surface de plus de 2000 km² et avec 18 sites classés, il s’agit de la plus grande d’Europe.

Le 1er symposium international autour du patrimoine géologique à Digne-les-Bains
En 1991, la Réserve géologique organise à Digne-les-Bains, sous l’égide de l’UNESCO, le 1er Symposium international sur la protection du patrimoine géologique.
Près de 200 participants issus d’une trentaine de pays se réunissent pendant quatre jours. Ils mettent en commun leur expérience et leur approche de la protection du patrimoine. À l’issue de leurs travaux, ils adoptent la Déclaration internationale des Droits de la mémoire de la Terre connue dans le monde entier sous le nom de “Déclaration de Digne”. Ce texte fondateur, reconnaissant l’héritage géologique comme un patrimoine commun à préserver à l’échelle mondiale, pose les bases de ce qui deviendra quelques années plus tard, le label Géoparc Mondial de l’UNESCO. La « Déclaration de Digne » est citée aux quatre coins de la planète et sert de support aux politiques de protection et de valorisation durable du patrimoine géologique.
LA DÉCLARATION INTERNATIONALE DES DROITS DE LA MÉMOIRE DE LA TERRE
- Chaque Homme est reconnu unique, n’est-il pas temps d’affirmer la présence et l’unicité de la Terre ?
- La Terre nous porte. Nous sommes liés à la Terre et la Terre est lien entre chacun de nous.
- La Terre vieille de quatre milliards et demi d’années est le berceau de la Vie, du renouvellement et des métamorphoses du vivant. Sa longue évolution, sa lente maturation ont façonné l’environnement dans lequel nous vivons.
- Notre histoire et l’histoire de la Terre sont intimement liées. Ses origines sont nos origines. Son histoire, est notre histoire et son futur sera notre futur.
- Le visage de la Terre, sa forme, sont l’environnement de l’Homme. Cet environnement est différent de celui de demain. L’homme est l’un des moments de la Terre ; il n’est pas finalité, il est passage.
- Comme un vieil arbre garde la mémoire de sa croissance et de sa vie dans son tronc, la Terre conserve la mémoire du passé… une mémoire inscrite dans les profondeurs et sur la surface, dans les roches, les fossiles et les paysages, une mémoire qui peut être lue et traduite.
- Aujourd’hui les Hommes savent protéger leur mémoire : leur patrimoine culturel. A peine commence-t-on à protéger l’environnement immédiat, notre patrimoine naturel.
Le passé de la Terre n’est pas moins important que le passé de l’homme. Il est temps que l’Homme apprenne à protéger et, en protégeant, apprenne à connaître le passé de la Terre, cette mémoire d’avant la mémoire de l’Homme qui est un nouveau patrimoine : le patrimoine géologique. - Le patrimoine géologique est le bien commun de l’Homme et de la Terre. Chaque Homme, chaque gouvernement n’est que le dépositaire de ce patrimoine. Chacun doit comprendre que la moindre déprédation est une mutilation, une destruction, une perte irrémédiable. Tout travail d’aménagement doit tenir compte de la valeur et de la singularité de ce patrimoine.
- Les participants du 1er Symposium international sur la protection du patrimoine géologique, composé de plus d’une centaine de spécialistes issus de trente nations différentes, demandent instamment à toutes les autorités nationales et internationales de prendre en considération et de protéger le patrimoine géologique au moyen de toutes les mesures juridiques, financières et organisationnelles.
Fait le 13 juin 1991, à Digne, France.
La transdisciplinarité : une vision élargie du patrimoine géologique
Au fil des années, nait et chemine l’idée originale de tisser des liens entre sciences, art, histoire et culture afin que la géologie ne soit plus l’apanage de quelques-uns. Loin d’être une science refermée sur elle-même. La géologie explique les peuplements, l’installations des villages, l’organisation de l’activité économique, les aléas de l’histoire des Hommes et de la Terre. Elle permet de comprendre les territoires, les paysages d’aujourd’hui et intéresse tous ceux qui s’interrogent sur le temps, qu’ils soient artistes, penseurs, acteurs culturels, habitants et touristes.


L’art contemporain s’invite sur le territoire
Cette vision élargie du patrimoine géologique va ouvrir la porte à de nombreuses rencontres enrichissantes : philosophes, écrivains, danseurs… Elle séduit aussi des artistes contemporains de renommée internationale, comme Andy Goldsworthy, qui installent progressivement sur le territoire une collection d’œuvres d’art en pleine nature. Cette approche transdisciplinaire est d’une grande originalité pour l’époque.
Les habitants s’associent au projet de création du Géoparc
La volonté est également d’associer les habitants du territoire à cette démarche : les habitants qui affectionnent leur pays, ses paysages, sa culture et ses valeurs. Un réseau de “géopartenaires” se constitue, des partenaires locaux : accompagnateurs en montagne, d’artisans, de producteurs, hébergeurs, sites culturels…
D’autres géoparcs se créent dans le monde. L’histoire continue de s’écrire…
