Skip to content

Un lieu chargé d’Histoire

© UGHP

D’après l’article de Janine Cazères parût dans les Chroniques de Haute-Provence – Bulletin de la Société Scientifique et Littéraire des Alpes de Haute-Provence N°350 en 2003.

cascade 1er avril 2024
L’existence de la Source Saint-Benoît
For thousands of years, the natural water-spring running under the current estate has been depositing tuff resulting in the rock formation on which the current buildings are constructed. The natural water-spring flows permanently and irrigates the property, which is made up of terraces to lessen the severity of the natural incline enabling flatter areas to support the cultivation of a variety of crops over the centuries. The Grande Cascade (the Great Waterfall), majestic and refreshing, originates from this natural water-spring.
L’existence de la Source Saint-Benoît
Les origines du domaine Saint-Benoît
Avant le XIVe siècle
Le domaine Saint-Benoît est situé à Robeyer, sur le territoire de Courbons. Les remparts délimitant le bâtiment datent du XIIIème siècle. Deux grottes jumelles creusées dans la falaise ont été découvertes. Dans chaque cellule, un banc de pierre a été taillé dans la roche. Un souterrain pouvait permettre de les relier au prieuré. Ces grottes servaient vraisemblablement d’habitations pour les moines (habitations troglodytes). Des origines religieuses sont donc probables mais restent à confirmer.
St Benoît a peut-être été un site stratégique de surveillance de la vallée de la Bléone et de la route de Digne à Seyne au Moyen-Âge.
Les origines du domaine Saint-Benoît
Avant le XIVe siècle
2.Exploitation agricole CP St Benoit
Le domaine agricole de Saint-Benoît
Du XVe siècle au XVIe siècle
Saint Benoît est couvert de parcelles de vignes détenues par plusieurs propriétaires dignois. D’autres parcelles de terres labourables, de bruyères, de prés composent le domaine.
En 1556, N. Reynaud commande la construction d’une bastide de 5 cannes de longueurs sur 2 de largeur à côté de sa vigne. Une deuxième propriété mitoyenne appartenant à Jehan Michel, holamier (marchand de faucille) est également sur le domaine. Saint-Benoît sera transmis aux héritiers de chaque famille au cours de nombreuses années.
Le domaine agricole de Saint-Benoît
Du XVe siècle au XVIe siècle
3. digne_tuf
L'extraction du tuf
Au XVIesiècle
En 1583, la communauté de Digne passe un accord avec Michel Geoffret (mari d’une des héritières du domaine) pour permettre l’extraction du tuves ou tufs dans le vallon des tuvières. Ce droit pour la communauté est dit de « possession antique » donc remonte à loin dans le temps ? Le quartier Saint Benoît a donc servi de carrière de pierres de construction, possédant une roche solide et légère bien adaptée à l’édification ou à la restauration des bâtiments.
La carrière de tuf Au début du XVIIIe siècle Le quartier Saint-Benoît sert de carrière à nouveau. Le tuf servira aux réparations du Grand Pont de Digne et à embellir le château du seigneur de Gaubert, marquis de Courbons, d'une corniche de tuf.
Au XIXe siècle La carrière est toujours en activité. En 1848, le matériau sera employé à la construction des voûtes de la cathédrale Saint Jérôme lors de son agrandissement.
L'extraction du tuf
Au XVIesiècle
Une nouvelle activité :
la fabrication du drap de laine
Du XVe au XIXe siècle, Saint-Benoît quartier agricole et industriel
Suite aux héritages et aux nouvelles acquisitions, deux familles puis une seule sont propriétaires du domaine Saint-Benoît : essentiellement Gaspard Ailhaud et ses descendants (et Monet Martel).
Pendant près de trois siècles, la famille Ailhaud exploite le domaine en ajoutant une nouvelle activité économique : la fabrication de drap de laine. En particulier les opérations de finition, foulage et teinture. Les étoffes sont commercialisées à Digne. Un moulin à foulon ("paroir à drap", exploité par un maître parendurier) est installé à Saint-Benoît grâce à la présence de la source abondante. L'eau est amenée dans un bassin puis tombe en chute permettant le fonctionnement du moulin situé en dessous de la bastide contre un rocher formé de concrétions calcaires (tuf).
Dans ce type de moulin, une roue à eau verticale actionne un arbre à cames qui soulève des marteaux destinés à pétrir et à remuer les pièces de tissu placées dans des cuves. Cette opération qui utilise une dissolution alcaline ou savonneuse resserre les fibres et donne de la solidité au drap de laine. L’artisan procède ensuite aux autres travaux de finition des tissus : lainage, tondage, teinture, lavage, séchage, pressage à chaud…avant de pouvoir les commercialiser dans la boutique de Digne. La teinture après l'opération de foulage du tissu était faite dans un autre bâtiment qui n’existe plus aujourd’hui et qui était situé à gauche de l’entrée d’actuelle musée. Les deux bâtiments de St Benoît communiquaient par une galerie souterraine terminée par un caveau portant l'inscription A.1697. L'accès au foulon se faisait donc directement depuis la cave de la maison sans passer par l'extérieur.
L’accès au domaine se fait par le chemin vicinal de Digne-les-Bains à la Robine (qu'on appelle couramment le sentier de Caguerenard).
Les activités agricoles n'ont jamais été abandonnées à St Benoît. Selon les époques on retrouve trace dans les documents d'héritage ou de vente de : la bastide, de la basse-cour, de près et de jardins, de chenevière et terre gaste, ou terre vague, bruyères et buissières, pathègue ... terres arrosables et non arrosables, vignes, hermas, pigeonnier, bois et gravats, en plus du paroir à draps, dans le second corps de bâtiment de la propriété. D'année en année, la propriété n'a cessé de s'étendre par achats successifs de terres et d'équipements. Les deux moulins à foulons s'accompagnent d'une teinturerie complète (fabrique de teintures comprises) et de magasins pour stocker les étoffes au XVIIIe s. Le Ravin de la Meynière , juxtaposé à St Benoît, est intégré à la propriété familiale à partir de 1807, ainsi qu'une boutique à Digne et deux caves en ville. Le tout est estimé à 28 000 francs dont 24 000 à St Benoît en 1838.
Une nouvelle activité :
la fabrication du drap de laine
Du XVe au XIXe siècle, Saint-Benoît quartier agricole et industriel
5. la source
L'eau de la source Saint-Benoît
L’eau de la source est une richesse pour le domaine. Quand elle n’est pas utilisée pour le moulin à foulon, elle est dérivée dans un autre bassin où elle tombe en cascade. Un système d’irrigation permet d’arroser les prés et d’alimenter un autre quartier en contre bas, la Meynière. L’eau utilisée par le moulin est aussi récupérée par un canal de fuite.
En 1941, la mairie de Digne envisage l’achat de la source située sur la propriété pour alimenter la ville. Les analyses montrent que la qualité de cette eau est satisfaisante, "bien que contenant beaucoup de sulfate de chaux". A l'époque, le débit est estimé à 86,4 litres par habitant et par jour. Aujourd’hui, 13 litres d’eau par seconde s’écoulent en moyenne soit plus de 400 millions de litres par an, à une température comprise toute l'année entre 11 et 13°C.
L'eau de la source Saint-Benoît
Le "retour" de l'agriculture
Vers 1840, la famille Ailhaud abandonne la fabrication du drap de laine à Saint-Benoît à cause des manufactures concurrentes qui se développent à Digne ("les foulons à marteaux sont remplacés par des systèmes à cylindres"). Le moulin est transformé en bâtiment agricole en 1857 puis sera démoli. Le domaine redevient uniquement rural. Aujourd’hui, à l’emplacement de l’ancien moulin se trouve la résidence d’artiste du CAIRN. Saint-Benoît au XIXesiècle.

Aquarelle d'Hippolyte Ailhaud (Musée Gassendi Digne les Bains) Bastide surmontée de son pigeonner, fabrique de teinture accolée et le foulon en contrebas
Le "retour" de l'agriculture
7.PLan d'expertise de 1896
Nouveaux propriétaires
Suite à la faillite de l’entreprise Ailhaud (1873), la propriété est vendue au docteur Frison en 1876 : 49ha, 11a, 52ca, pour en faire un lieu d'agrément. Ce dernier améliore le domaine, fait réaliser un chemin carrossable à partir du pont des Arches, restaure le bâtiment principal et crée un nouveau bassin (bassin actuel).
La parcelle de La Meynière a été séparée du reste de la propriété au fil des héritages et ne fait donc pas partie de la propriété du docteur Frison qui doit respecter un droit d'alimentation en eau 5 jours sur 7 : rapport d'experts établi en 1896. Le neveu du Dr Frison hérite de Saint-Benoît, la famille Pellegrin s’y installe en 1930 et agrandit le domaine.

En 1941, la mairie de Digne envisage l'achat de la "source Pellegrin" pour alimenter la ville. En 1942, le domaine et la source sont estimés afin de dédommager les propriétaires. La maison compte 18 pièces et domine des terres cultivées en terrasses. La valeur de la propriété provient d’une judicieuse utilisation de l’eau : cascade agrémentant de fraîches allées, joli bassin à proximité de la maison qui est pourvue de l’électricité et du téléphone. La proposition de la mairie est refusée par les deux propriétaires (de St Benoit et de la Meynière).
De 1946 à 1948, la propriété abrite un centre d'apprentissage, en attendant la construction d'un local neuf plus spacieux.

Plan d'expertise 1896
Nouveaux propriétaires
La colonie de vacances d'Aix en Provence
Le 21 décembre 1949, les héritiers Pellegrin vendent la propriété à la ville d’Aix qui souhaite y créer un centre de vacances. Des travaux d’aménagements sont organisés : modification du bâtiment principal, agrandissement du réfectoire, démolition de la forge, installation de sanitaires et chaufferie, transformation du grenier en dortoir. A l’extérieur, les travaux concernent la surélévation du mur du parapet et une amenée d’eau à l’ancienne ferme où seront placés des lavabos pour le dortoir des garçons. Puis, un bâtiment neuf est réalisé à l’entrée de la propriété, dénommé « le camp », il permet de loger les garçons dans un local mieux équipé. L’ancien « château » est réservé au logement des filles et de la Maternelle. La colonie fonctionnera en juillet et août, 150 enfants entre 5 et 14 ans fréquenteront ce centre jusqu'en 1970.
Le 2 avril 1971, une commission examine la conformité des équipements et vérifie la sécurité des lieux. Des risques graves d’éboulement sont signalés. La mairie d’Aix abandonne les lieux. Le centre reste plusieurs années quasiment à l'abandon, habité seulement par un gardien. Pendant la fermeture du site, des arbres sont replantés sur 20 hectares et 86 ares, soumis au régime forestier, pour lutter contre le ravinement.
La colonie de vacances d'Aix en Provence
9. Centre d'apprentissageCP St Benoit 2
Acquisition par la ville de Digne
Le 17 septembre 1979, la ville de Digne fait l’acquisition du domaine de 27 ha, 35 a 32 ca. Elle projette la création d’un centre d’études géologiques. L’aménagement s’étale de 1981 à 1984 : démolitions et confortements afin de supprimer les risques d’éboulement.
Durant cette période, un centre aéré fonctionne pendant les vacances d’été (de 1980 à 1985) pour les enfants de Digne.
Acquisition par la ville de Digne
La Réserve naturelle géologique de Haute-Provence
La Réserve naturelle géologique de Haute-Provence, nouvellement créée par décret le 31 octobre 1984, prend place officiellement dans les locaux de la propriété de Saint-Benoît.
Les expositions et les manifestations se succèdent au musée de géologie, au service de la protection et de la valorisation du patrimoine géologique, à la grande joie des visiteurs et des scolaires.
La Réserve naturelle géologique de Haute-Provence
Le Géoparc mondial UNESCO de Haute-Provence
A partir de 2014, quand la Réserve géologique est prise en charge par le Conseil Départemental 04, le Musée Promenade devient officiellement le siège du Géoparc mondial UNESCO de Haute-Provence. C'est un espace d’interprétation qui met en valeur le territoire et ses différents patrimoines. Des salles d’expositions permettent aux visiteurs de mieux comprendre le concept et les raisons de cette prestigieuse labellisation de l'UNESCO : fossiles illustrant la riche biodiversité marine de l'ère secondaire, papillons en liberté illustrant la riche biodiversité actuelle, exposition immersive dans les paysages du Géoparc… Outre les ruisseaux et cascades pétrifiantes qui rafraichissent le parc sous le couvert végétal forestier, le parc St-Benoît est agrémenté de nombreuses installations artistiques, de sentiers et de jardins paysagers : jardin japonais et jardin des papillons, parmi lesquels le visiteur est invité à déambuler et s’émerveiller.
Le Géoparc mondial UNESCO de Haute-Provence

Remerciements à Janine Cazères, auteure de l’article, et à Remi Garcin, des Archives communales de Digne, pour leur accueil bienveillant et leurs informations complémentaires qui nous ont permis de remonter l’Histoire de ce lieu exceptionnel.